« La seule vraie garantie pour avoir une retraite, c’est l’épargne individuelle »

FAUX !

Les réformes qui se sont enchaînées depuis les années 1990 et les discours qui les ont accompagnées ont sapé la confiance des Français envers le système de retraite par répartition. L’incertitude et l’inquiétude sont entrées dans les esprits et l’épargne individuelle paraît être une issue pour anticiper une retraite qu’on annonce dégradée. De sorte que les ménages qui en ont les moyens épargnent, placent, investissent souvent dans l’immobilier avec parfois de grandes déconvenues lors­ qu’ils ne possèdent pas les connaissances et les codes de ce microcosme. Mais l’épargne individuelle ne résoudra rien, bien au contraire, alors que le renforcement de la répartition est possible.

La capacité d’épargne est très inégalement répar­tie. Certains parviennent à compléter leur retraite avec quelques revenus du patrimoine, ce qui explique que le niveau de vie moyen des retraité·es est actuellement globalement équivalent à celui des actif.ves, alors que la pension moyenne est inférieure au salaire moyen. Mais les inégalités d’accès aux revenus du patrimoine sont très fortes. Elles sont liées aux capacités d’épargne et d’investissement durant la vie active ainsi qu’aux inégalités d’héritage. Pour les ménages retraités, les revenus du patrimoine des 20 % les plus aisés représentaient selon les derniers chiffres de la DREES 25,5 % du revenu disponible, contre seulement 4,7 % du revenu disponible des 20 % les plus pauvres.

Fonder sa retraite sur l’épargne implique un effort financier considérable. France Stratégie, dans une note de 2020, propose une estimation de ce que représente­rait la totalité des pensions des générations nées de 1952 à 1967 sous forme de capital au moment de la retraite, en l’actualisant. Pour une pension annuelle brute de 23 300 euros (soit environ 1 600 euros mensuels nets), avec une espérance de vie en retraite de 24 ans, il faudrait avoir accumulé, selon les calculs de France Stratégie, un capital de 543 000 euros au moment du passage à la retraite. Or, à titre indicatif et en simplifiant énormément, pour obtenir ce capital, il faudrait avoir épargné pendant 42 ans, tous les mois, 692 euros avec un taux d’intérêt moyen de 2%, 425 euros à 4%, ou, si l’on est très optimiste et chanceux, 251 euros à 6 %.

Il faut donc avoir les moyens d’épargner, ce qui fait de l’épargne retraite un système inégalitaire, et avoir la chance de liquider sa retraite en dehors des périodes de crise financière. La crise de 2008 a montré la fragilité de ces dispositifs lorsqu’ils sont fondés sur un principe de cotisation définie.

On peut bien sûr comparer cet effort d’épargne à ce qui est actuellement prélevé en cotisations pour le financement des retraites dans notre système par répartition (207 euros de cotisations salariales vieillesse pour un brut de 3 000 euros soit 6,90 % pour une rémunération inférieure au plafond mensuel de la Sécurité sociale). Mais outre que ces cotisations ne peuvent s’arrêter du jour au lendemain, puisqu’il faut continuer de financer les retraites en cours, elles permettent un taux de remplacement et une préservation du niveau de vie tout au long de la retraite que l’épargne retraite ne peut assurer, car un système de retraite est construit sur des principes qui n’ont rien à voir avec ceux de l’épargne individuelle.

En effet, les régimes de retraite par répartition à pres­tations définies, qui constituent actuellement le cœur du système de retraite français, financés par des cotisations, permettent d’obtenir une pension calculée par rapport à un revenu de référence et une durée de cotisation. Cette retraite par répartition institue des repères et des droits collectifs liés au statut de travailleur, et elle crée une solidarité entre actif·ves et retraité-es qui permet de maintenir un lien entre l’évolution du pouvoir d’achat des retraité-es et celui des actif·ves.

La promotion de l’épargne retraite, qui se développe tout en restant très marginale dans l’ensemble des pensions versées, repose sur un choix de société très différent, où chacun doit gérer individuellement son compte et ne percevra au maximum que ce qu’il a lui­ même épargné en assumant les risques financiers. Sans oublier que ce type de produit est coûteux en incitations fiscales et qu’à la différence des cotisations assises sur les revenus d’activité, les dispositifs d’épargne retraite individuelle dispensent les employeurs d’y participer.